Après deux délibérations, une à Paris et l’autre à Liège, le jury du Prix Littéraire Paris-Liège a élu le lauréat 2020 :

Frédéric Joly, La Langue confisquéeLire Victor Klemperer aujourd’hui, Ed. Premier Parallèle

Frédéric Joly

Essayiste et traducteur, il est l’auteur de Robert Musil. Tout réinventer (Seuil, 2015), un essai biographique salué par la critique. Il a donné de nombreuses traductions d’auteurs de la première moitié du vingtième siècle (Georg Simmel, Walter Benjamin) comme d’auteurs contemporains.


Tout au long du règne de Hitler, Victor Klemperer prend note, dans son Journal, des graves distorsions infligées à la langue allemande par le nazisme. Les enseignants seront désormais soumis à une « révision nationale et politique » – comme les voitures, note-t-il en 1934. On parle de « système » pour désigner le régime des années de Weimar, vilipendé en tant que régime parlementaire et démocratique « enjuivé ». Quant à l’adjectif « fanatique », il passe du registre péjoratif au registre laudatif ; le terme « libéral », lui, devient, à l’inverse, péjoratif, avant de disparaître tout à fait au profit de « libéraliste ». Klemperer assiste en fait à une sorte d’inversion sémantique généralisée, dont il note chaque manifestation dans son Journal. Il en tirera LTI, grand livre sur la manipulation de la langue par l’idéologie.

La langue confisquée restitue sa démarche, ce geste critique qui aide à comprendre comment on adhère à un langage, quel qu’il soit. Car la langue est un révélateur. Elle ne ment jamais : c’est elle, toujours, qui dit la vérité de son temps. Frédéric Joly, lisant Klemperer, nous aide ainsi à faire face à notre temps, ce temps de repli identitaire et de « post-vérité », un temps d’inquiétantes résurgences sémantiques aussi, où se voit brouillée la distinction essentielle entre le vrai et le faux.


Extrait de www.premierparallele.fr/livre/la-langue-confisquee